Au début il y a Edmond et Jules de Goncourt. Deux frères esthètes, misanthropes, au verbe acéré. C'est leur Journal qui les fera connaître, tableau sans indulgence de leurs contemporains. Le prix qui porte leur nom existe aujourd'hui grâce au testament d'Edmond, afin de récompenser "le meilleur ouvrage d'imagination en prose paru dans l'année". Des 5000 francs or promis alors, il reste...10 euros aujourd'hui, que l'on jugerait pingre d'encaisser.

L'Académie Goncourt siège dans un restaurant, Drouant, depuis 1914. Est-ce à dire que ses membres n'en ont pas bougé depuis ? Non ! Car la limite d'âge a été fixée depuis une dizaine d'années à 80 ans. Nous voilà rassurés. Les membres du jury sont des gens patients : ils s'accordent jusqu'à 14 tours de scrutin pour élire le lauréat ou la lauréate, autant être bien installés. De lauréate, en fait, il y en eut bien peu : 12 femmes pour 107 hommes. Ni Yourcenar, ni Sagan. Et dans l'Académie actuelle, on dénombre 3 femmes pour 7 hommes. En étant farouchement optismiste, on pourra penser que le choses s'améliorent.

Sans son lot de petits scandales, de faux suspenses et de coups médiatiques, ce prix serait bien insipide. En 1913, il est refusé à Proust, et en 1932 à Céline. Beauvoir aurait acheté une robe pour recevoir celui de 1953... La robe restera au placard. Romain Gary le reçoit 2 fois, trompant les jurés sous le nom d'Emile Ajar. Bernard Pivot révèle que "sur les dix jurés, il y en avait deux ou trois qui lisaient pour les autres ». En 2010, le grincheux Houellebecq trépigne de joie en le recevant. Cette année, Nothomb clame sa joie de recevoir le Prix Renaudot... mais ne rêve que du Goncourt.

 

La fascinante infographie que vient de publier le Figaro nous apprend que le prénom Jean donne                                                                                                                                                      plus deCarte chance d'obtenir le précieux prix. Il en va de même pour le pays d'origine (la France), l'âge (entre 30 et 50 ans), la région d'origine. Saurez-vous retrouver le seul auteur tarnais à l'avoir remporté ? Son prénom était Lucien.

Depuis la rentrée littéraire de septembre, les questions se multiplient :

- Camille Laurens est-elle mariée à François Nourelman, ou simplement pacsée ?

- Pourquoi persiste-ton à dire "GalliGraSeuil" en parlant des éditeurs primés,et non "Galli-Gra-Mich" ?

- Pourquoi y a-t-il 18 chaises visibles sur Instagram à la table des jurés alors qu'ils ne sont que 10 ?

- Qui peut nous donner la recette de la sauce du homard servi le 3 novembre ?

- Christine Angot recevra-t-elle enfin le prix ?

 

unnamedCe suspense insoutenable a pris fin le mercredi 3 novembre, à midi trente, en couronnant Mohamed Mbougar Sarr et sa Plus secrète mémoire des hommes, publié chez Philippe Rey. Finalement, comme d'habitude, ces cabotins de jurés ont déjoué les pronostics. Il faut dire que le jeune auteur sénégalais a non seulement rempli de fierté le monde des lettres de son pays, mais réhaussé la cote de la vieille Académie avec un choix moderne, pour un écrivain jeune (31 ans !), porté par un éditeur qui a non seulement du nez mais aussi du talent pour fabriquer de beaux objets.

Venez découvrir le livre de Sarr dans vos médiathèques, le tenir dans vos mains : une belle découverte pour cette fin d'année 2021.